Il se peut qu’Hissène Habré, ancien dictateur tchadien en exil (villégiature luxueuse au pays de la Teranga ?) ait désormais de sérieuses raisons de se faire des cheveux blancs ; et ce, après presque 22 années de villégiature luxueuse à Dakar ; l’ancien rebelle toubou, qui occupa le palais présidentiel tchadien de longues années durant avant de le fuir en 1990, avait trouvé un excellent lieu d’exil dans un Sénégal d’Abdou Diouf qui l’accueillit armes, bagages et famille et sans doute aussi, espèces sonnantes et trébuchantes ; et, depuis, il y coule des jours heureux ; à maintes reprises, notamment à la demande des familles tchadiennes victimes de ses heures de plomb, des tentatives furent faites visant à traduire le « tortionnaire de N’Djamena » devant les tribunaux pour crimes contre l’humanité, crimes de guerres et torture, tous commis au temps où l’homme régnait en maître absolu sur le Tchad, de 1982 à 1990.
Mais rien n’y fit ; Hissène Habré, tel un homme qui bénéficiait en permanence d’une providentielle baraka, à chaque fois, échappa aux griffes de la justice ; il faut le reconnaître, aidé en cela, ces dernières années, par les refus que régulièrement le gouvernement de Wade opposa à toutes les tentatives envisagées pour voir comparaître Habré devant un quelconque prétoire ; paradoxale cependant, l’attitude dudit Wade qui ne faisait pas mystère de son désir de confier ce cas africain à des magistrats africains, sur le continent africain, histoire que la chose serve de leçon à des dirigeants africains velléitaires de pareilles forfaitures.
Exit Abdoulaye Wade, init Macky Sall !
Et alors à propos de l’affaire Hissène Habré, les lignes risquent de bouger, si l’on en croit ce qui se trame dans l’appareil judiciaire sénégalais. Un projet de loi adopté mercredi 19 décembre 2012, par l’Assemblée nationale sénégalaise, autorise la création de chambres spéciales composées de magistrats africains dans l’appareil judiciaire du pays de la Teranga.
En toute rigueur de termes, ladite loi ne mentionne nulle part qu’elle a été faite ad hominem ; mais au regard de certains accords passés entre le Sénégal et l’Union africaine, on ne se trompe pas de beaucoup en lisant entre les lignes : l’appareil judicaire se donne les moyens idoines pour enfin juger le dictateur tchadien, devenu depuis un certain temps un hôte des plus encombrants.
A supposer que Macky Sall puisse mener pareille mission à bon port, il réussirait à redorer quelque part le blason d’un Sénégal dont on avait fini par penser qu’il protégeait becs et ongles un homme qui cependant – et c’est un euphémisme de le dire – avait et a des comptes à rendre. Et ce serait peut-être là un soulagement pour tous.
Pour Hissène Habré lui-même qui a peut-être en ce moment envie de décharger sa conscience ; pour les familles des victimes, qui ont longtemps souffert de la frustration de voir pareil « pécheur public » jouir d’une impunité insultante ; pour les pairs africains de l’ancien dictateur, qui se rendront compte que les aberrations commises alors qu’ils se trouvent au faîte du pouvoir et de la gloire peuvent les rattraper un jour ; enfin, pour ce continent africain qui, pour une fois, aura administré la preuve qu’il sait laver le linge sale en famille. Pareille décision judicaire, on ne peut alors que l’applaudir des deux mains.
Jean Claude Kongo.